Adresse : 110 allée de La Bâtie

 

Sous la féodalité plusieurs ouvrages de défense et d’attaque appelés, selon leur importance, châteaux forts, bâties ou maisons fortes ont été édifiés dans la vallée du Grésivaudan sur des buttes vestiges d’anciens glaciers. Que de souvenirs évoquent les ruines imposantes et altières de ces bâtisses qui ont assuré l’indépendance du Dauphiné sous les dauphins.

 

La maison forte de La Bâtie de Champrond s’élève sur un plateau formé par les anciennes rives de l’Isère, en bordure du chemin conduisant à Lancey. Elle a très certainement été édifiée à l’époque de l’invasion du Dauphiné par les Sarrasins qui assiégèrent Grenoble en 954.

 

Ses premiers possesseurs furent des guerriers hardis qui repoussèrent les envahisseurs « infidèles » en les refoulant dans les montagnes des Hautes-Alpes. Pour les remercier et se les attacher, l’évêque de Grenoble, également comte de la ville, leur confia des terres. Au nombre de ces guerriers figuraient les Alleman, les Commiers.

 

Vers 1240, La Bâtie Champrond appartenait à Oddon Alleman de la famille puissante des seigneurs d’Uriage dont sera issue la mère de Bayard. Il obtint du dauphin Guigues VIII la concession d’un droit de péage fluvial exigé des bateaux ou radeaux chargés qui passaient sur l’Isère. En contrepartie de leur protection, les bateliers s’acquittaient d’une livre de poivre.

 

Les Sibut, les Avallon se succédèrent à Champrond puis, en 1362, Philippa d’Avallon épousa Roux de Commiers et apporta en dot la maison forte par la non-application de la loi salique qui excluait les femmes de la succession tant qu’il restait des héritiers mâles.

 

En 1470, le roi confisqua les biens de Raoul de Commiers et les affecta à la sœur de celui-ci, Jeanne de Commiers, mariée au baron de Sassenage et dame d’honneur de la dauphine Charlotte de Savoie. La famille de Sassenage, tenue en grande estime par le roi Louis XI, devint ainsi propriétaire de la Bâtie qui, par le jeu des alliances, passa ensuite aux mains des Bourchenu descendants des Alleman. Ces derniers la vendirent en 1714 aux religieux hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu établis à Grenoble qui en firent une ferme de rapport.

 

A la révolution, le patrimoine des religieux, dont La Bâtie Champrond, fut remis à l’hôpital général de Grenoble, ex hôpital Notre Dame, qui l’aménagea en ferme école dans laquelle étaient formés les futurs cultivateurs.

 

Aujourd’hui, l’ancienne ferme a été reconvertie en logements collectifs. Les terres agricoles sont mises en fermage auprès d’exploitants agricoles et du lycée horticole.

 

Plus heureuse que la forteresse de Montbonnot et La Bâtie de Meylan rasées en 1591 durant les guerres de religion, La Bâtie Champrond porte bravement ses 10 siècles d’existence. Sa tour ronde médiévale en briques avec ses « meurtrières à espaliers » est encore solidement campée et on peut observer, sur le fronton de la porte du XVIIIème siècle de l’aile en pierres claires, un blason difficile à identifier car très érodé.  Malheureusement la chapelle construite vers 1500, à l’est de la tour, a été démolie vers 1908. De même les fours et moulins, mentionnés depuis 1339 lors des successions, ont disparu.

 

A partir d’extraits du texte de Gustave LUTRIN, professeur honoraire au lycée Champollion à Grenoble et du site de l’Atelier des Dauphins